LA PREMIERE FOIS (VERSION FILLE)

Les hormones sont très vaches avec les adolescents. Pour les uns, elles jouent l’urgence et le besoin (les garçons) tandis que pour les autres, elles jouent le désintérêt voire la fuite (les filles).

Sitôt entré au collège, le mâle en formation n’a qu’une idée en tête. Voir une fille de près, de très près, sous toutes les coutures et si possible dans un premier temps mettre les mains. Mais ça ne marche pas comme ça. Pas tout de suite. Parce que dans le même temps, la donzelle rêve de ses copines (et pas comme vous croyez bande de pervers), des sorties entre copines et accessoirement du grand frère de la copine. Enfin, ce dernier point s’entend sans mettre les mains nulle part. Ni les siennes à lui et encore moins les siennes à elle.

Voilà donc le problème qui confine à la tragédie grecque. Il veut mais elle ne veut pas. Elle le trouve dégoûtant et il la trouve pimbêche. C’est vrai quoi, il n’est pas exigeant (au début). Il voudrait mettre la main sur un sein. Même par-dessus les vêtements. Juste sentir le renflement. Mais c’est pas plus envisageable que de voir Madonna épouser Ronald Reagan (on est au début des années 80 quoi merde!). Elle hésite déjà à le laisser insérer sa langue à lui dans sa bouche à elle alors pour ce qui est de tâter les protubérances mammaires, il peut se toucher, Amédée.

Quel choix lui reste-t-il au pauvre garçon envahi de sensations et de pensées, jour et nuit, qui ne pense qu’à ça ? Il passe en revue frénétiquement les pages sous-vêtements du catalogue Quelle et même la vue d’une gaine au chapitre « Femmes élégantes » lui met la trique et l’envoie aux toilettes tous les quarts d’heure provoquant une inquiétude très légitime de la mamie chez qui il passe les vacances et qui se demande s’il n’est pas affligé d’une diarrhée atmosphérique pour avoir abusé du Tang.


Il hésite à partager son infortune avec ses camarades qui clament, tous sans exception, qu’ils ont depuis longtemps fourré la belette dans le terrier. Il craint en effet de se voir attribuer le pire surnom qui soit en ces temps d’obscurantisme moyenâgeux : puceau ! Il fait donc comme les copains, il baratine, il invente, il enjolive, il mythonne.
Et ouais, il l’a fait. Il a vu les nibards de la voisine d’en face. Il a mis sa main dans la culotte de sa cousine (y’a pas de mal tant que ça reste dans la famille, regardez Christine Boutin). Il a fait hurler de plaisir une hollandaise majeure rencontrée au camping (là on confine à l’irréel voire au Saint Graal parce que la majeure, elle connait des trucs, elle a expérimenté des machins) et qui a insisté pour l’emmener sous sa tente pour attenter à sa pudeur (on le sait tous, les hollandaises, ce sont les pires. Enfin, après la fille en page 3 du Sun).

Ça plastronne dans la cour de récréation, ça parle haut, ça postillonne, ça bombe le torse pour impressionner les potes et le groupe de filles qui ne manque jamais de se trouver non loin de là.
Pendant ce temps, les filles se lamentent. Elles voudraient des baisers doux et surtout pas mouillés et ben non, pas moyen… L’adolescent boutonneux veut faire la Chose.
Alors on s’interroge entre copines. Si l’une l’a fait, qu’elle veuille bien renseigner les autres. Embrasser, on sait déjà que c’est nul. On s’attend à être irradiées de bonheur. On se retrouve barbouillées de salive du menton aux sourcils. On dirait un drap de bain gorgé de sirop qui s’essore dans la bouche. Beurk. En plus, s’il embrasse, il met les mains. Partout. Et il ne passe pas une main délicate et caressante. Que nenni. Il se découvre une vocation d’apprenti boulanger. Il pétrit, il malaxe, il remonte et aplatit tout ce qui passe à sa portée. C’est agréable comme de se faire rouler sur les galets un jour de tempête. En pire. Parce que les galets eux n’essaient pas de rentrer dans le pantalon en soufflant comme une forge viking une veille de départ à la bataille.

On s’interroge, nous les filles. Faut-il vraiment en passer par là ? Tout de suite ? Ne peut-on attendre un siècle ou deux ?
Et surtout, la question qui rend l’assemblée muette d’effroi : est-ce que ça fait mal ?!
Parce qu’on en a entendu des trucs en écoutant aux portes de la chambre des grandes sœurs ou en interviewant des copines plus délurées…. Quand le boutonneux va mettre sa matraque dans le fourreau, on va en voir de toutes les couleurs !

1/ ça fait mal
2/ on saigne comme un cochon qu’on égorge
3/ on risque de se retrouver enceinte.

Ça fait beaucoup. Tout ça pour faire plaisir au boutonneux qui menace d’aller voir sa cousine/sa voisine/sa vieille copine qui, elle, pratique la chose et en redemande même, la vilaine petite cochonne. Et si toi, pure jeune fille gloussante, tu dis non…c’est que tu es une COINCÉE ! L’insulte dont on ne se relève pas. Jamais.
Alors, on s’interroge. On hésite. On demande aux copines. C’est encore pire après avoir entendu les expériences des « autres qui l’ont fait ».

Le boutonneux, d’après la légende, va devenir tout rouge en lui enlevant sa culotte. Il va se mettre la main au paquet et le comprimer comme si son sifflet rose allait prendre son envol devant tant d’émotions. Il va parfois même prendre un air de consternation navrée et foncer aux toilettes. Il va revenir 10 minutes plus tard, récupérer des couleurs et enlever son pantalon. Il va garder chaussettes et pull-over (les chaussettes, il n’a pas le temps de les enlever, le pull-over il va le garder pour qu’on ne remarque pas qu’il n’a pas de poils sur le torse). Il va présenter Mickey à Minnie et faire deux aller-retour et demi avant de pousser un couinement étranglé et de se laisser tomber sur la donzelle. La donzelle qui attend que ça se passe. La Chose. Qui réalise que ce qui vient d’arriver là, c’est la Chose. Qui voit partir en trottant le boutonneux qui tient à la main un escargot exténué qu’il doit rafraîchir au plus vite. Elle a juste eu le temps de dire ouille et c’est fini. Tout ça pour ça. Bon. Hé ben. Autant se rhabiller et rentrer à la maison.

Que dire aux copines ? C’était trop génial ? On l’a fait toute la journée ? On va dire qu’on l’a fait. Que ça valait pas tout ce tintouin. Et puis, le boutonneux là, le soufflet de forge… on va lui dire de remballer son cure-dent. Le prochain qui voudra jouer de la cornemuse, c’est pas pour tout de suite !

1 commentaire:

  1. MDRRRR c'est tellement bien raconté et drôle, bravo Les Branchés ! ^^

    RépondreSupprimer