MES BOUMS DE MERDE

La vie réserve ses caps à passer. Parler puis marcher étant bébé, aller à l’école etc. A l’adolescence, plusieurs de ces paliers se posent que l’on franchit plus ou moins bien. La découverte du sexe opposé puis du sexe tout court, en solitaire dans sa chambre le plus souvent, le premier bisou, mais aussi les boums. Véritable thermomètre social à l’âge de 12/15 ans, il faut les avoir vécues pour comprendre ce que c’est.
Je suis allé à 4 boums dans toute ma vie d'ado sur une période de 3 ans. C’est peu diront certains mais pour moi, ça m’a largement suffit. Cela me permit de confirmer que je n’avais absolument pas la fibre mondaine.


Vu que je n’avais pas le droit d’amener plus de deux potes à la fois à la maison, il était hors de question d’organiser une boum chez moi. Je ne fus que passif sur ces événements et ce fut aussi bien. Ma mère ne voulait pas de bordel chez elle et, les chiens ne faisant pas des chats, j’ai toujours été plus ou moins dans ce trip.

Ma première boum eut lieu en 1985, elle était organisée par K., une fille de ma classe, une précieuse assez ridicule. Ben oui, quand on a 11/12 ans et que l’on se prend pour une femme, avec tout le déguisement qui va avec (cheveux permanentés, fringues chics, maquillage recouvrant les boutons d’acné et attitudes), et tout ça parce qu’on a eu ses premières règles le mois dernier, ça ne peut que donner envie de mettre des claques. Ou ça excite. Chez moi, c’était un mélange des deux. K. me plaisait beaucoup, ce côté sophistiqué m’attirait, comme il attirera toujours les frustrés. J’avais quoi ? 12 ans et demi maxi, aucune expérience, quelques images en tête furtivement volées dans les Newlook de mon père, alors forcément, le moindre truc féminin clinquant exhibés sous mes yeux trop neufs brillait de mille feux.

Pour les invitations, K. fut fidèle à elle-même et fit les choses en grandes pompes, distribuant petits cartons personnalisés à tous ses amis ou assimilés. Les ringards de la classe, ceux portant débardeurs à losanges, coupe au bol et baskets sans marque, furent impitoyablement ignorés.
Faisant rire la belle avec des blagues datant (déjà) de l’école primaire, s’asseyant toujours à côté de moi en cours de dessin, sachant très bien que je lui ferai son boulot en échange d’un sourire, je reçus mon accréditation assez rapidement. Cela me soulagea car cela signifiait que je faisais partie du club. L’intégration, l’acceptation, ce sont les piliers de l’adolescence. Il faut en être. A tout prix. Même si c’est d’un club de cons.

Qui dit « anniversaire », dit « cadeaux ». Certains organisent ces teufs juste pour ça, distribuant wishlists à profusion. Une nana aussi corrompue que K. ne pouvait qu’être matérialiste. Le coup du « Pas la peine d’amener un cadeau ! », c’était impensable avec elle. Il fallait donc passer à la douane pour entrer sur son territoire. Piochant difficilement 50 francs sur mon argent de poche, et me rendant au Prisunic du coin, je me décidais pour une tirelire Mickey. C’était nul mais passe-partout.
Armé de ma souris à bretelles en faïence, j’étais prêt, je n’avais plus qu’à attendre le samedi. Formaté par le film La Boum, j’imaginais déjà embrasser ma première greluche ce jour là, et si possible K. évidemment. J’avais hâte.



Je ne savais pas du tout où habitait K. et sa rue était très éloignée de la mienne dans la ville. Par chance, un copain de classe se proposait de venir me chercher chez moi et de faire le trajet ensemble. Un sac à la main contenant la tirelire moche, ainsi que mon 33 tours de Wham ! acheté quelques mois auparavant, nous partîmes.
Une petite demi-heure de marche rapide plus tard, nous nous retrouvions au pied d’un grand immeuble assez classe. Palier, escalier, ascenseur. N’ayant qu’une faible expérience d’aller chez les autres à ce moment-là, c’était assez stressant et excitant en même temps. Ça me changeait de mon quotidien fait de livres, BD et autres bouquins
Driiiiing. La porte s’ouvrit et un vacarme nous explosa aux oreilles ! Il y avait du monde là-dedans ! L’appartement, gigantesque, luxueusement décoré, se divisait en deux zones. Une partie était réservée à la famille, très nombreuse. Nous aperçûmes une grand-mère dans un coin et des gamins en costard courant partout. Un piano à queue était là et un pingouin jouait dessus. L’autre coin, débarrassé de ses meubles, nous était réservé. C’est en voyant toute cette smala que mes illusions de langues emmêlées s’évaporèrent.

K. planait littéralement, c’était elle la vedette du jour. Tout le monde la chouchoutait et était aux petits soins. Pour une narcissique comme elle, avoir le monde à ses pieds, cela devait être une forme de jouissance assez rare. Entre deux « J’t’adore, t’es mon/ma meilleur(e) ami(e) ! » qu’elle disait à presque tout le monde, elle recevait des monceaux de cadeaux qu’elle regardait à peine. La quantité plutôt que la qualité. Je n’ose imaginer ce que fût son mariage des années plus tard. Sans doute la même chose, ces nanas immatures ne changent jamais.
J’ai assez peu de souvenirs de cette boum finalement, juste celui d’avoir marché sur les pieds de la fille du maire en dansant Careless Whisper avec elle et d’une déception générale. J’imaginais ça autrement. Des années plus tard, je comprendrais que le fantasme se révèle presque toujours mieux que sa réalisation. Nous étions sans doute encore trop jeunes pour nous lancer dans une boum d’ados alors que nous étions presque encore tous des enfants. Pour K., c’était une fête familiale à laquelle nous étions conviée, et pour moi, un goûter géant, rien de plus.


L’année suivante, nous larguions la vulgarité de K. pour revenir à nos racines prolos avec I., une autre nana de ma classe, plutôt Chotard que De La Martinière cette fois, et qui nous invitait tous chez elle, dans le minuscule F3 d’un HLM minable, pour célébrer le fait qu’elle vieillissait d’un an.
I. était un shaker. Dans sa personnalité creuse, elle avait mélangé un quart de Jeanne Mas, un autre de Madonna et un dernier de Cyndi Lauper. Prenez un étron, peignez-le en orange fluo, et vous aurez une petite idée de ce qu’elle était. Membre active du club des acnéiques, grosses lunettes sur le pif, appareil dentaire façon circuit imprimé, exubérante dans son look mais vulnérable à la moindre critique, on sentait de suite les complexes qui la bouffaient 24h/24 et qu'elle tentait de soigner ça avec une vitrine « à la cool ».
Humainement, elle pouvait assez bien faire semblant d’être sympa. Elle était copine avec tout le monde mais amie de personne, jouant les messagères de lettres enflammées et autres poèmes grotesques gribouillés par des garçons en chaleur à destination de ses camarades plus jolies, et se prenant des râteaux magistraux quand elle draguait. Cette boum lui donnait l’occasion d’être l’attraction du moment le temps d’un samedi après-midi. Son quart d’heure de célébrité.

Pour I., la question du cadeau fut assez vite réglée. Une autre tirelire fut achetée dans le même style et le même Prisunic. On ne change pas une équipe qui gagne… De plus, ne ressentant rien de particulier pour elle, très peu d’amitié, encore moins de désir, je me fichais pas mal que le cadeau lui plaise ou non. Cette légèreté fit que je fus beaucoup moins angoissé à l’idée de me rendre à cette boum, même si j’avais une idée derrière la tête.
Le dit samedi, à heure fixe, avec mon meilleur pote du moment, nous fûmes parmi les premiers arrivés chez I. Pas tellement parce que nous étions pressés d’y aller mais surtout parce que les gens ne sont jamais à l’heure.
Sonnette, ouverture de la porte rouge, joie, bises, vérification que l’un de ses bubons faciaux bien mûrs n’avaient pas éclaté et laissé de traces sur nos joues diaphanes, et remise de mon cadeau. De suite, la rapace qu'elle était ouvrit le fond de la tirelire, croyant y trouver quelques billets ou un chèque. Rien. Ben oui, c’était soit l’argent, soit la tirelire. Je n’avais pas les moyens de faire les deux. Je devinais à son air maussade qu’elle aurait préféré le grisbi au coffre. Les femmes et l'argent...

Découverte de la maison de notre hôte. Ces boums permettaient surtout de voir comment c’était chez les filles de notre classe. Entre mecs, on savait à quoi s’en tenir, les intérieurs variaient bien peu d’un poilu à l’autre. Mais aller chez des nanas, c’était pas courant. Nous nous aperçûmes bien vite que leurs chambres étaient tout aussi bordéliques que les nôtres, l’odeur de pieds en moins.
Ici, on était très loin de la famille bling-bling de l’année précédente. C’était petit et la déco intérieure fut assez fidèle à ce que j’en attendais. C’était à peu près pareil chez moi, donc moche. Nos parents étant souvent des péquenots montés à la ville dans leur jeunesse, il leur restait un énorme fond de mauvais goût plouc malgré la perte de leur accent crotté. De gros meubles en bois laqué, parfois sculptés, exposant vaisselle laide, napperons et petits objets en verre ou porcelaine, tapisserie à fleurs énormes, carpette affreuse cachant une moquette jaune ou violette en phase terminale... La province à Paris.

Le buffet était là. En fait, la table du salon recouverte d’une nappe en papier et de saladiers contenant chips, bonbons, biscuits et boissons à bulles. Nous avons fondu dessus comme une nuée de piafs sur un sac de riz éventré. Une fois gavés de sucre et de sel pour la semaine, et profitant que la bonne copine moche était occupée à accueillir d’autres cons, nous décidâmes de nous amuser un peu en crachant dans le bol de jus d’oranges. Un classique de ces boums. Je revois un camarade accumulant sa salive pendant de longues minutes dans sa bouche pour finalement en vider l’épais et abondant jus dans le saladier. Les belles îles flottantes que voilà !

Les quarts d’heure passant, l’appart se mit à rétrécir du fait de l’arrivée des autres invités. On devait être une vingtaine. Là-dessus, c’était un succès. Il était amusant de voir les tenues de chacun. Un pote maghrébin osa le complet veston et pantalon dans un tissu assez brillant, rescapé des années 70 sans doute. Il y aura toujours quelques endimanchés ne doutant de rien dans ces réunions. Pour ma part, j’avais fait sobre et pratique avec un ensemble jogging noir de la tête aux pieds, coupe en brosse gélifiée avec soin et mes fameuses baskets Americana de la même couleur que mon pyjama à trois bandes.


Les parents de notre hôte apparurent furtivement. Le père, gros, moustachu, virilement beauf, fit un rapide tour pour saluer la jeunesse avant de disparaître sous nos moqueries télépathiques. La mère, elle, fut plus présente. Elle arborait la même coupe, le même maquillage et quasiment les mêmes fringues que sa fille. Quoi de pire que ces bonnes femmes imitant leur gosse ? Je suis persuadé qu’à l’heure actuelle, si elle vit toujours ce dont je ne doute pas car ce sont toujours les meilleurs qui partent les premiers, elle a les cheveux rouges et des tatouages dans le dos ou sur la poitrine…

Profitant d’un moment seul, retiré dans un coin, accoudé à un mur, j’observais les masses. Tel un scientifique regardant ses souris dans sa cage, je notais les changements de comportement chez beaucoup. Autant en petit comité ils étaient fréquentables, voire sympas, autant en société, ils devenaient bruyants, grossiers, voire vraiment cons. Il leur fallait parader pour qu’on les remarque, qu’ils se sentent exister dans les yeux des autres. Certains n’hésitaient pas pour cela à humilier leurs amis de toujours, en les prenant à partie devant tout le monde, juste pour se faire passer pour un dominant puis chef de meute de la curée. J’assistais à ces scènes surréalistes de transformations de Jekyll en Hyde et les victimes que cela produisait, tout en bénissant ma misanthropie naturelle qui faisait que je ne cherchais jamais vraiment le contact de mon prochain. Cela me protégeait de tous ces malfaisants.

Il faut être honnête, je n’étais pas venu à cette boum pour me mêler à tous ces connards, je les voyais suffisamment comme ça toute la semaine. Ni pour danser, activité que je n’ai jamais comprise, et encore moins pour la bouffe n’étant pas un crevard. Non, j’étais là juste pour C. C’était ma proie de l’année. Target locked ! Je la voulais. Corps et âme, et surtout corps… J’avais 13 ans et demi et mes hormones s’agitaient salement. Mon angoisse était qu’elle ne vienne pas.

La playlist fut une succession des tubes de l’époque, en 45 tours le plus souvent, il fallait donc quelqu’un pour changer les disques. On trouvera toujours des DJ de fortune dans ce genre de sauterie. Les gros laids les plus lucides sur leur sort sont souvent candidats spontanés, voulant se rendre utiles, sachant pertinemment qu’ils n’auront aucun succès avec le sexe opposé. Il est toujours moins humiliant d’être derrière les platines que vautré sur un canapé à attendre une occasion qui ne viendra jamais.
Sandra braillait à qui voulait bien l’entendre qu’elle ne serait jamais Marie-Madeleine, Goldman parlait Pas Toi et Take On Me de a-ha fit probablement envisager le suicide au voisin du dessous. Nous eûmes même droit à une K7 audio de notre hôte, diffusant pas mal de titres topés sur NRJ mais entrecoupés de commentaires et impressions de sa part qu’elle avait enregistrés avec un micro. Elle avait oublié ça. Entendant sa voix en stéréo devant tout le monde, elle se jeta sur sa chaîne pourrie pour en extraire la bande et la balancer dans le premier trou noir venu, rouge de honte. Je fus sans doute le seul à comprendre que, pour faire des trucs comme ça, c’est qu’elle devait se sentir bien seule dans la vie.

C. m’obsédait. Cette allure, ce minois pointu, ces yeux ronds, cette coupe courte… Il fallait que je passe à l’action avant qu’on ne me la souffle. Alors que tous les autres porteurs de chromosome Y attendaient le fameux quart d’heure américain, là où les filles invitent les mecs à danser, parce que c’est toujours plus facile, je décidais de devancer l’appel dès le premier slow qui fut Everybody’s Got To Learn Sometime des Korgis. Dès les premières notes de ce slow qui tue, je me pointais devant C., assise sur un bout de canapé et, tout en lui tendant ma main, je lui dis :

- Tu viens ?

…avec une fausse assurance dans la voix alors que j’avais les testicouilles glacées d’appréhension. A ma grande surprise, parce qu’un ado complexé (pléonasme !) part battu d’avance dans ce genre de cas, elle accepta mon invitation. Dieu existait donc !



Durant ces presque quatre minutes sirupeuses, me balançant plus ou moins en rythme avec elle de gauche à droite, mais aussi de droite à gauche, je squattais verticalement C. Je la tenais dans mes bras, elle était contre moi, ma bouche toute proche de son cou, et elle sentait si bon. Je basculais dans un monde parallèle inconnu où tout n’était que bonheur rose et paillettes. Je lui murmurais des conneries dans l’une de ses mignonnes petites oreilles percées qui la faisait bruyamment s’esclaffer. J’entends encore la voix d’un mec derrière moi disant : « Ben dis donc, [mon nom], il emballe ! » J’étais le patron. Elle était à moi.
Alors vous allez me dire : « Ouais, bon, ok, épargne-nous la mousse, tu as mis ta langue dans sa bouche juste après et puis voilà ! » Et bien pas du tout ! J’ai rien eu du tout ! C. était une allumeuse, son plaisir était d’être la reine des abeilles. Mais pour avoir quelque chose en retour, on pouvait se brosser. Quand on tentait des travaux d’approche un peu plus poussés, elle esquivait, toujours avec ce sourire magnifique disant : « Nan, mais plus tard, peut-être… » et qui n’était qu’une fausse promesse. Elle faisait ça avec tout le monde. Ce n’était donc pas avec cette garce que j’allais prendre ma première leçon de secourisme. Il faudrait pour cela que j’attende la fin de l’année 86 pour lustrer de ma langue mes premières amygdales. Cela sera sans doute le sujet d’un prochain article. Au point où l’on en est…

Avec autant de monde dans un si petit appartement, et des fenêtres volontairement fermées pour créer, à l’aide de quelques loupiotes et spots lumineux cheap, une ambiance intimiste, il y fit rapidement une chaleur étouffante. Complètement en nage, poisseux et puant de sueur, nous nous succédions pour prendre l’air dehors, à l’entrée de l’immeuble au milieu des formes lumineuses géantes posées sur un bout de pelouse, héritage des architectes débiles de ces années là. Assis dessus, nous nous rafraîchissions les aisselles et le reste en discutant en petit comité, et en taillant cette boum nullarde ! Il a suffit qu’un seul se lance dans une vague critique et ce fut un torrent de boue ! Musique à chier, biscuits trop secs, déco horrible, parents moches et cons, bols de boisson avec des glaviots flottants à la surface, filles refusant de danser etc. Tout était prétexte. Les salauds.
La teuf se termina en fin d’après-midi. Le bilan avait été maigre. Quelques slows collés-serrés avec C. et quelques autres nanas sans grand intérêt pour moi, une amorce de diabète à cause des sodas, et des souvenirs merdeux que j’expulserais 30 ans plus tard sur un blog en guise de thérapie…

La 3e boum eu lieu l’année suivante, en 1987, et fut la même que celle de l’année précédente. La laideronne remettait le couvert. Même appart, même déco, mêmes invités. Same players play again.
Pour le cadeau, comprenant que j’avais épuisé le stock de tirelires de ma ville, je décidais de changer. Nous nous mîmes d’accord avec mon pote, également invité et tout aussi à court d’idées question présent, pour grouper nos thunes et les filer directement à la bonne copine pour qu’elle puisse aller s’acheter ce qu’elle voulait avec. Ça arrangeait tout le monde. Informée une semaine avant sa boum, elle se décida à claquer ses 2 x 50 balles de suite. Elle choisissait, nous banquions. Nous avons donc passé plusieurs heures à la voir essayer, prendre, reposer, reprendre, hésiter, refuser, du maquillage. C’était d’un gonflant…


Là aussi, peu de souvenirs me reviennent de cette party. Il y avait bien moins de monde, le changement de classe avait fait voler en éclat le petit groupe de faux amis de l’année précédente. La fille que je convoitais cette année là, J., et que j'avais eue, n'était même pas là. Ça n'avait donc aucun intérêt. On vient dans ces teufs surtout si l'on sait que la personne qui nous fait battre le coeur (et le slip) sera présente. Rien de plus.
L’énergie relative de la première boum aussi en était absente. Je revois mon pote assis par terre dans un coin, en train de jouer avec un Zippo qu’il avait trouvé, et sur le visage une expression de profond ennui. Je devais sans doute avoir la même tronche. A oublier.

Ma dernière boum eut lieu peu de temps après celle-ci, en fin d’année, fin mai ou début juin 87. Ce fut un fiasco intégral et pourtant, nous pouvions croire que nous avions toutes les cartes en mains pour que ce soit un succès, voire un triomphe.
C’était un très proche camarade de classe de l’année précédente qui fêtait, encore une fois, son anniversaire. Ses parents venaient de déménager. L’appartement, un F3, était donc vide. Le bail était encore valide pour deux jours, samedi et dimanche. C’était parfait pour finir en beauté ! Nous avions toute la place du monde et quasiment l’autorisation d’y faire tout le bordel que nous voulions.
Nous étions trois à monter cette boum. L’organisateur, moi et mon meilleur ami de l’époque. Tout le vendredi après-midi fut séché question cours et frénétiquement passé en préparatifs pour le lendemain. Achat de la bouffe et des boissons, et surtout la musique. Mon pote apporta sa propre chaîne HI-FI, la plupart de mes disques furent présents ainsi que des K7 spécialement réalisées pour l’occasion. Le proprio des lieux nous assura que les invités ramèneraient aussi des munitions en vinyle. Ça allait être génial !
Le dit proprio était plus âgé que nous, conséquence de quelques redoublements en primaire. Quand vous dites encore « patalon » à 15 ans, bon… Et qui dit « pote plus âgé », dit également des amis du même âge, donc, une boum plus mature que les précédentes, et surtout, des filles plus âgées, plus expérimentées, avec des seins, certaines couchaient peut-être même déjà, allez savoir… Entre un ado de 14 ans et un autre de 16, la différence est parfois énorme. Le puceau en rut que j’étais à ce moment s’est salement fait des films la veille de cette boum… Encore une fois !


Samedi, 13h. La boum démarre officiellement. Vu le nombre d’invitations envoyées et le battage que nous avions fait, nous pensions être à peu près 40 dès le début. Nous attendions une émeute dans l'appart, un joyeux bordel où nous brûlerions notre jeunesse et nous en garderions un souvenir impérissable. Une heure après, nous étions à peine 8… Dont deux filles. Et moches en plus ! Tout le monde nous avait fait faux bond. Entre ceux qui n’étaient plus dispo, ceux qui avaient oublié, les lapins, les fausses promesses mais aussi le refus de certains parents de laisser aller leur gamine de 13/14 ans dans une boum avec des gugusses de 15/16, nous maudissions nos chers amis.
La sonnette ne sonnait pas. Même avec la porte d’entrée grande ouverte, personne ne venait. La pendule avançait et nous étions désespérément seuls dans cet appart bien trop grand. Voyant le bide intégral vers laquelle cette boum s’orientait, un brave samaritain se porta volontaire pour aller chercher du monde parmi ses connaissances. Une heure plus tard, il revint avec 3 personnes, dont une fille… Et encore plus moche que les autres. Putain…

Il devait être un peu plus de 16h. On était moins de 15, des mecs pour les trois-quarts. Il ne fallait pas en espérer plus. Je regardais les rares invités, des gens que je ne connaissais pas pour la plupart et qui n’étaient là que pour boire des chips et manger du coca à l’œil. Un jobard pogotait tout seul dans le salon sur le dernier Depeche Mode du moment, Strangelove. Quelques « voyous », ancêtres directs de nos racailles actuelles, amis d’un pote d’une connaissance du proprio, fumaient des clopes dans un coin. Pour faire rebelle à cette époque, il n’y avait pas mieux…
Tout le monde s’emmerdait, moi le premier. Alors j’ai décidé de me tirer. J’avais rien à faire là-dedans. Informant mes deux amis, qui hurlèrent devant cette défection supplémentaire, je pris mon blouson et partis sous une petite pluie pour couronner le tout. Lâcheur ? Rien à foutre. C’était une délivrance pour moi. Quand on n’est pas heureux quelque part, il faut s’en aller. Je suis rentré à la casa en me jurant que c’était bien la dernière fois que je me rendais à une boum. J’allais sur mes 15 ans de toute façon, je devenais bien trop vieux pour toutes ces conneries.

Parents modernes, n’interdisez pas à vos crétins de gosses d’aller dans ces réunions de boutonneux se prenant pour des adultes, passant de la mauvaise musique et bâfrant de la junk food. Ils vous le reprocheraient ensuite d’avoir loupé quelque chose de soi-disant génial. Laissez-les découvrir par eux-mêmes à quel point tout cela est foireux.

1 commentaire:

  1. Coucou Les Branchés ! J'ai adoré ton texte-témoignage sur tes boums d'ado, bravo, c'est très bien écrit et très drôle ! :-D

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